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Ce qu’il faut savoir sur l’évitement fiscal

Rédigé par Martin Delisle et David Coutu

La Cour suprême du Canada a réitéré à maintes reprises le principe du duc de Westminter selon lequel la planification fiscale, c’est-à-dire le fait d’organiser ses affaires de manière à payer le moins possible d’impôts – est une dimension légitime du droit fiscal canadien.

Cependant, si ce principe reste légitime, il est aujourd’hui balisé par l’apparition de certaines règles exigeant non seulement que la lettre de la loi soit respectée dans le cadre d’une planification fiscale, mais également d’autres considérations, telles que notamment son objet et son esprit. C’est ce qu’on appelle des règles « anti-évitement ».

Cet article portera sur le concept d’évitement fiscal et vous permettra de mieux comprendre la Règle générale anti-évitement (RGAÉ).

Ce que vous allez apprendre dans cet article :

  • Qu’est-ce que l’évitement fiscal?
  • En quoi consiste la Règle générale anti-évitement (RGAÉ)?
  • Exemples d’évitement fiscal abusif
  • Comment un.e avocat.e de chez De Grandpré Chait peut vous aider?

Qu’est-ce que l’évitement fiscal abusif?

Si la planification fiscale est en soit permise, ce n’est pas le cas de l’évitement fiscal abusif, dont l’avantage fiscal peut être supprimé par la règle générale anti-évidement (« RGAÉ »), et de l’évasion fiscale, laquelle peut faire l’objet d’accusations criminelles et pénales[1].

Effectivement, cette distinction a d’ailleurs été récemment rappelée par la Cour suprême dans l’affaire Canada c. Alta Energy Luxembourg S.A.R.L., 2021 CSC 49 :

[47] Tout d’abord, il ne faut pas confondre évitement fiscal et évasion fiscale, et ni l’une ni l’autre des parties n’a laissé entendre que l’opération en cause était évasive. Il ne faut pas non plus confondre évitement fiscal et abus. Même si une opération vise l’évitement fiscal, et non un véritable objet non fiscal — comme un objet économique ou commercial —, elle n’est pas nécessairement abusive au sens de la RGAÉ (Trustco Canada, par. 36 et 57; voir aussi Lipson, par. 38).

Définition de la planification fiscale

La planification fiscale est le fait d’organiser ses affaires de manière à payer le moins possible d’impôts tout en respectant le texte, l’objet et l’esprit de la Loi.

Définition de l’évitement fiscal abusif

L’évitement fiscal abusif est le fait d’organiser ses affaires de manière à payer le moins possible d’impôts en respectant le texte de la Loi, mais en ne respectant pas son objet et son esprit. L’évitement fiscal abusif est visé par la Règle générale anti-évitement (RGAÉ).

Définition de l’évasion fiscale

L’évasion fiscal est le fait d’organiser ses affaires de manière à payer le moins possible d’impôts en ne respectant ni le texte de la Loi, ni son objet et son esprit. L’évasion fiscale peut faire l’objet d’accusations criminelles et pénales.

En quoi consiste la Règle générale anti-évitement (RGAÉ)?

Il existe deux catégories de règles anti-évitement : les règles anti-évitement spécifiquement prévues dans la loi et la règle générale anti-évitement (« RGAÉ »), couvrant l’application des dispositions législatives ne comportant pas de règles anti-évitement spécifiques.

En fait, dans le but de limiter l’emploi de mécanismes d’évitement fiscal abusifs et d’empêcher que certains contribuables ne se soustraient au paiement de leur juste part du fardeau fiscal canadien, le législateur a édicté en 1988 la règle générale anti-évitement (« RGAÉ »), laquelle se retrouve à l’article 245 de la Loi de l’impôt sur le revenu (« LIR »).

Les Notes explicatives sur le projet de loi concernant l’impôt sur le revenu publiées par l’honorable Michael H. Wilson, ministre des Finances (juin 1988), définissaient l’objet de la RGAÉ comme suit :

Le nouvel article 245 de la Loi établit une règle générale anti‑évitement qui vise à prévenir les opérations ou mécanismes abusifs d’évitement fiscal, sans gêner pour autant les opérations commerciales et familiales légitimes.  En conséquence, la nouvelle règle vise à distinguer la planification fiscale légitime et l’évitement abusif de l’impôt, de manière à établir un équilibre convenable entre la protection de l’assiette fiscale et le besoin de certitude des contribuables pour la planification de leurs activités.

L’article 245 LIR prévoit en fait que pour que la RGAÉ s’applique, les trois critères suivants doivent être rencontrés:

  1. il existe un avantage fiscal découlant d’une opération;
  2. l’opération constitue une opération d’évitement;
  3. l’opération d’évitement est abusive[2].

Pour déterminer si l’opération est abusive, « la Cour a établi une analyse en deux étapes. Dans un premier temps, il faut interpréter les dispositions qui sont invoquées pour obtenir l’avantage fiscal afin d’en déterminer l’objet et l’esprit. Dans un deuxième temps, il faut procéder à une analyse factuelle pour déterminer si l’opération d’évitement en cause contrecarre l’objet et l’esprit des dispositions invoquées.»[3]

Afin de lutter contre l’évasion et l’évitement fiscal, l’Agence du revenu du Canada (ARC) adapte constamment ses méthodes de vérification et est maintenant plus en mesure de déceler et cibler les planifications fiscales abusives[4].

Par ailleurs, l’ARC mène présentement des consultations sur des propositions visant à améliorer les règles canadiennes de divulgation obligatoire relatives à l’impôt sur le revenu[5]. Ces nouvelles règles pourraient amener l’ARC à conduire davantage de vérifications des planifications impliquant de l’évitement fiscal.

Du côté de l’Agence du revenu du Québec (« ARQ »), cette dernière a déjà mis en place un formulaire de Divulgation obligatoire ou préventive d’une planification fiscale (TP-1079.DI) obligeant les contribuables à divulguer certaines opérations, dont notamment celles que nous avons traitées dans l’article Règlement concernant les opérations à divulgation obligatoire (rédigé par Me Martin Delisle et Me Lisa-Marie Gauthier).

Exemple d’évitement fiscal visé par des règles anti-évitement

Planifications fiscales interprovinciales de type « Québec Year-End Shuffle » (« Q-YES ») (Voir notamment : Développements Iberville ltée c. Agence du revenu du Québec, 2016 QCCQ 4765)

« Les planifications fiscales Q-YES reposent sur la faculté, pour une société, de faire un choix de fin d’exercice financier au provincial distinct de celui fait au palier fédéral, l’objectif étant que la désynchronisation des dates de fin d’exercice financier, pour cette même société, résultant en une dissimilitude des données fiscales entre les juridictions provinciales pour l’application de la formule de répartition des affaires prévues par les règlements.

[…]

Considérant que l’existence d’un choix québécois distinct du choix fédéral pouvait donner lieu à des transactions d’évitement qui allaient à l’encontre de la politique fiscale, le gouvernement a annoncé le 20 décembre 2006 qu’il abolissait, à compter de cette date, la possibilité pour un contribuable d’exercer un tel choix distinct. »

Comment un avocat en litige fiscal de chez De Grandpré Chait peut vous conseiller et vous aider

En concluant, une planification fiscale peut respecter à la lettre la loi tout en ne respectant pas son esprit. Ainsi, dans un paysage en constante évolution où les politiques et les règles sont continuellement sujettes à modifications, la prudence doit être de mise. L’équipe en droit fiscal chez De Grandpré Chait peut vous conseiller concernant les règles de divulgation obligatoire ou encore sur l’applicabilité de la RGAÉ. Nos fiscalistes vous aideront à y voir plus clair.

­>>      Contactez notre équipe en litige fiscal.

[1] 239 LIR
[2] Canada c. Alta Energy Luxembourg S.A.R.L., 2021 CSC 49
[3] Ibid.
[4] https://www.canada.ca/fr/agence-revenu/organisation/a-propos-agence-revenu-canada-arc/transparence-divulgation-proactive-a-agence-revenu-canada/divulgation-cahiers-information-pour-comparutions-parlementaires/comite-permanent-finances-2021-06-22.html#toc2
[5] https://www.canada.ca/fr/ministere-finances/programmes/consultations/2021/consultation-regles-divulgation-obligatoires-relatives-impot-revenu.html

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