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Entrée en vigueur des nouvelles règles facilitant le transfert d’entreprises familiales – une bouffée d’air frais pour les entrepreneurs québécois

Rédigé par Marc-André Perreault et Matthew Bilmes

Un changement majeur pour les entrepreneurs québécois

Vous avez certainement déjà entendu un entrepreneur vous dire que c’est plus avantageux de vendre une entreprise à un tiers qu’à ses propres enfants.

Finalement, depuis le 1er janvier 2024, cette affirmation n’est plus vraie et les entrepreneurs québécois peuvent bénéficier d’un allègement de certaines dispositions fiscales, qui permettent désormais la vente de leur entreprise à la prochaine génération de manière fiscalement avantageuse.

Retour sur les anciennes règles fiscales

Pour comprendre la portée et les conditions d’application de ces nouvelles dispositions, il est utile de faire un retour sur les règles prohibitives qui s’appliquaient antérieurement, plus précisément l’ancienne application du paragraphe 84.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) et son équivalent de la Loi sur les impôts du Québec.

Le paragraphe 84.1 LIR a pour effet de convertir un gain en capital d’un contribuable en dividende imposable lorsque les actions d’une société sont vendues à une autre société avec laquelle le contribuable a un lien de dépendance (comme une entreprise appartenant à votre enfant). Le taux d’imposition marginal d’un gain en capital est de 26,65% en 2024, alors que celui du dividende est de 48,7 %, une différence de 22 % !

L’ancienne version du paragraphe 84.1 LIR était punitive dans le contexte d’un transfert intergénérationnel, en ce sens que la famille ne pouvait se prévaloir d’une structure typique et fiscalement efficiente permettant de structurer la transaction, qui consiste en l’incorporation par l’acheteur d’une nouvelle société pour procéder à l’achat des actions de la société cible. Cette structure permet que les profits futurs de la société cible soient utilisés pour payer le prix d’achat des actions (un prêt est généralement consenti à la société acheteuse par une ou plusieurs institutions financières afin de payer une portion du prix d’achat à la clôture de la transaction).

De plus, étant donné que le paragraphe 84.1 LIR requalifie le gain en capital en dividende, l’entrepreneur perd la possibilité de se prévaloir de la déduction pour gain en capital si les actions de la société cible se qualifient d’actions admissibles de petite entreprise. Il est prévu que la déduction pour gain en capital atteigne 1 016 836 $ en 2024 (indexée à chaque année). Cela représente une économie perdue supplémentaire pour l’entrepreneur pouvant atteindre 271 000 $ !

Harmonisation des régimes fiscaux et certitudes pour les entrepreneurs

En 2016-2017, le Québec a adopté un régime d’allègement pour soustraire certains transferts d’entreprise à l’application de cette règle. Le législateur fédéral n’a cependant pas adopté de règles similaires, ce qui rendait inutile le régime d’allègement québécois. En 2021, par un projet de loi privé d’un député manitobain, le paragraphe 84.1 LIR a été amendé substantiellement dans le but de favoriser le transfert d’entreprises familiales. Les deux régimes d’exception, celui du fédéral et celui du Québec, ont coexisté depuis jusqu’à l’adoption de modifications par le fédéral en 2023, lesquelles, comme mentionné ci-haut, sont entrées en vigueur le 1er janvier 2024. Le Québec a confirmé son intention d’harmoniser ses règles avec celles adoptées par le fédéral, ce qui donne maintenant le degré de confort et de certitude requis aux entrepreneurs pour mettre en place le processus de transfert d’entreprise à la prochaine génération.

Condition d’application et opportunités pour les familles

QUI?

Un contribuable, qui est un individu résidant du Canada (et du Québec, le cas échéant). Les sociétés détenues par des fiducies familiales doivent faire l’objet de transactions préalables pour bénéficier des allègements.

QUOI?

Dispose d’actions qu’il détient à titre d’immobilisations d’une société et qui se qualifient « d’actions admissibles de petite entreprise » ou « d’actions d’une société agricole ou de pêche familiale ». Essentiellement, les sociétés visées sont des sociétés opérantes, par opposition à des sociétés de placement ou qui détiennent des actifs dans le but d’en tirer un revenu passif (par exemple, des immeubles locatifs). Il est nécessaire d’effectuer une analyse fiscale pour déterminer si les actions se qualifient aux fins du transfert, notamment eu égard à la durée de détention des actions par le contribuable et au pourcentage des actifs de la société qui sont utilisés dans son entreprise.

À QUI ?

À une société contrôlée par un enfant du contribuable ou de son conjoint. Le terme « enfant » a un sens large, qui inclut un petit-enfant, un neveu ou une nièce et le conjoint de ces personnes. Le terme « conjoint » inclut les conjoints de fait.

COMMENT ?

Le paragraphe 84.1 LIR permet de choisir entre deux avenues : le transfert d’entreprise immédiat et le transfert d’entreprise progressif. Ces deux avenues ont des conditions d’application différentes, mais permettront à terme de transférer le contrôle et la participation de l’entreprise en faveur de l’enfant. Le délai octroyé au parent pour transférer le contrôle (juridique et factuel) à l’enfant, ainsi que les conditions relatives à la rétention d’intérêts économiques dans la société varient d’une avenue à l’autre, tout comme le délai de prescription applicable pour permettre aux autorités fiscales de vérifier la conformité du transfert d’entreprise aux dispositions législatives applicables.

AUTRES CONDITIONS

  • Comme la transaction s’effectue entre des parties qui ont un lien de dépendance, la LIR prévoit l’obligation de transiger à la juste valeur marchande. Une évaluation indépendante de la valeur des actions de la société sera nécessaire.
  • L’enfant qui achète les actions devra les conserver pendant une période de 36 mois pour les transferts immédiats et pour 60 mois pour les transferts progressifs, sauf exception.
  • L’enfant sera solidairement responsable des impôts du parent s’il s’avère que les conditions d’application de l’allègement n’étaient pas satisfaites.
  • L’enfant devra également conserver les actions acquises pour une période de 36 mois pour le transfert d’entreprise immédiat et pour une période de 60 mois pour le transfert d’entreprise progressif. Certaines exceptions sont applicables.

Une opportunité pour les chefs d’entreprise et la nouvelle génération

Ces nouvelles mesures sont plus que bienvenues. Elles permettront la transmission des entreprises à la prochaine génération, tout en s’assurant que les fondateurs puissent récolter le fruit de leurs efforts en bénéficiant d’économies d’impôts importantes, dont ils auraient pu bénéficier par ailleurs en vendant à un étranger plutôt qu’à leurs propres enfants.

Pour les entrepreneurs qui attendaient simplement de laisser leurs actions à leur enfant dans leur testament, ils peuvent désormais agir de leur vivant et débuter dès maintenant le processus de transition. Ces nouvelles règles permettent même au propriétaire qui a toujours voulu transmettre l’entreprise à son enfant sans contrepartie de le faire, tout en offrant la possibilité de retirer des sommes importantes de la société en franchise d’impôt.

Assistance d’experts en matière de planification de la succession d’entreprise : L’engagement de De Grandpré Chait

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