Le dépôt en garantie est une pratique bien ancrée dans le domaine du louage commercial. Il se définit comme étant le versement d’une somme d’argent par le locataire dans le but de garantir l’exécution des obligations de ce dernier vis-à-vis des termes du bail. Contrairement à la croyance populaire, cette pratique n’est pas interdite et est un instrument juridique valide si celui-ci est versé de manière volontaire par le locataire.
Il est donc fréquent de retrouver au sein de baux commerciaux des clauses, ayant été négociées entre les parties, prévoyant le versement par le locataire d’un dépôt en garantie au locateur. Toutefois, en cas d’avis d’intention, de proposition ou de faillite du locataire, le locateur peut se voir contraint de remettre au syndic les sommes prélevées au locataire à titre de dépôt en garantie, en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (la « LFI »).
Dans cet article, nous nous attarderons sur le traitement applicable au dépôt en garantie versé au locateur en cas d’insolvabilité du locataire. Nous reviendrons également sur la bonne pratique à adopter lors de la rédaction de baux commerciaux afin d’assurer la préservation des droits du locateur.
Traitement jurisprudentiel du dépôt en garantie
Les tribunaux ont été appelés à déterminer à de nombreuses reprises le sort du dépôt en garantie lors de la survenance d’un avis d’intention, d’une proposition ou d’une faillite d’un locataire en vertu de la LFI. Ils en sont venus à la conclusion que le dépôt versé par le locataire pour garantir l’exécution de ses obligations, constitue une hypothèque mobilière avec dépossession. Or, cette hypothèque, bien que consentie par le locataire en faveur du locateur ne peut être opposable au syndic de faillite ou à un créancier hypothécaire détenant une hypothèque mobilière de deuxième rang sur les mêmes biens.
C’est d’ailleurs ce que la Cour d’appel du Québec a conclu dans l’arrêt Ocean Drive[1] tout en précisant que, dans le cas où le locataire fait faillite et que le locateur dispose d’un dépôt en garantie, l’ordre de collocation ne sera pas celui prévu au Code civil du Québec.
Effectivement, bien que le locateur détienne le statut de créancier garanti en vertu de son hypothèque mobilière avec dépossession, il ne pourra réaliser aucune hypothèque détenue sur les actifs de son locataire qui est désormais insolvable et devra plutôt se référer à l’ordre de collocation prévu à l’article 136 de la LFI.
En d’autres termes, le montant perçu par le locateur à titre de dépôt en garantie afin de garantir l’exécution des obligations du locataire aux termes du bail sera inopposable au syndic de faillite puisque la garantie s’y rattachant n’a jamais été réalisée avant l’avènement de la faillite.
Dans de telles circonstances, le locateur jouira simplement du privilège octroyé par l’article 136(1)f) de la LFI. Ce privilège bien circonscrit est sujet aux droits des créanciers garantis et est limité à la somme réalisée sur les actifs se trouvant sur les lieux faisant l’objet du bail.
Le loyer prépayé : une option à considérer ?
Ainsi, afin de pallier aux répercussions négatives de l’insolvabilité éventuelle du locataire, le locateur aurait tout avantage à demander à son locataire un loyer payé d’avance plutôt qu’un dépôt en garantie.
En effet, le loyer payé d’avance, communément appelé le « loyer prépayé », est une somme d’argent versée en amont par le locataire au locateur. Le versement de ladite somme s’apparente donc plutôt à un paiement non remboursable d’un loyer perçu par anticipation afin d’acquitter les arrérages advenant le défaut du locataire.
Le loyer prépayé a pour avantage de conférer une protection supérieure au locateur, puisqu’il devient le propriétaire de la somme versée à ce titre. Le montant perçu fait ainsi partie intégrante du patrimoine du locateur, et ce, dès son versement lors de la conclusion du bail.
Puisque ledit montant appartient au locateur, il sera opposable au syndic de faillite du locataire assurant par le fait même la protection de ses droits advenant un défaut de paiement de loyer du locataire.
L’importance de la rédaction des baux commerciaux
À la lumière de ce qui précède, il est impératif de rédiger les clauses d’un bail afin qu’elles soient dénuées de toute ambigüité relativement au véritable propriétaire du montant perçu par le locateur, et ce, notamment, en évitant l’utilisation des termes « dépôt de sécurité » ou « dépôt en garantie ».
En revanche, une clause de dépôt rédigée de manière à mettre en évidence le caractère non remboursable de celui-ci s’avère essentielle afin de préciser l’intention du locateur et du locataire quant à la remise d’une somme d’argent et de préserver les droits du locateur en cas d’avis d’intention, de proposition ou de faillite du locataire en vertu de la LFI.
Les autres outils à la disposition des locateurs pour assurer leur protection
Outre cela, le locateur a à sa disposition d’autres alternatives au dépôt en garantie visant à garantir les obligations du locataire aux termes du bail dont notamment :
- la lettre de crédit bancaire;
- le recours au cautionnement d’un tiers.
Comment nous pouvons vous aider
Considérant l’importance que revêt la rédaction des clauses d’un bail commercial à l’égard de la protection des droits d’un locateur, il est fortement recommandé d’avoir recours aux conseils d’un avocat expérimenté qui saura vous conseiller et vous aider à bien comprendre les enjeux se rapportant aux options de sûretés étant à la disposition des locateurs en matière de baux commerciaux.
Nos avocats en insolvabilité et en immobilier peuvent vous aider à sécuriser vos revenus locatifs même en cas de faillite du locataire. Contactez-nous aujourd’hui pour un accompagnement sur mesure.
[1] Restaurant Ocean Drive inc. c. Sam Levy & associés inc., 1997 CanLII 10235 (QC CA).