Êtes-vous considéré comme un vendeur professionnel, non professionnel ou un fabricant?
Cet article a été co-écrit avec Frédérique Cartier-Côté. Pour le vendeur professionnel ou un fabricant qui souhaite faire a...
Cet article a été co-écrit avec Frédérique Cartier-Côté.
Le Québec se distingue à bien des égards et particulièrement concernant son cadre juridique. Que vous soyez un vendeur non professionnel, un vendeur professionnel ou un fabricant, il est indispensable de comprendre comment les notions de vice caché, de présomption et de garantie légale pourraient s’appliquer.
Selon le Code civil du Québec, pour être un vice caché, le défaut doit comporter certaines caractéristiques précises :
1. Le défaut doit premièrement entraîner un déficit d’usage, c’est-à-dire que le défaut doit être suffisamment sérieux pour rendre le bien impropre à l’usage auquel il est destiné[1];
2. Le vice doit aussi être caché, un critère qui s’apprécie selon une norme objective : il faut évaluer l’examen fait par l’acheteur en fonction de celui qu’aurait fait un acheteur prudent et diligent de même compétence[2];
3. Également, le vice doit être grave et sérieux, car le simple déficit d’usage ne suffit pas. Le défaut doit rendre le bien impropre à l’usage auquel il est destiné ou en diminuer l’utilité à un point tel que son acheteur ne l’aurait pas acheté à ce prix[3];
4. Finalement, le vice doit exister au moment de la vente, tout en étant inconnu de l’acheteur[4].
Ici, il importe de préciser qu’aucune présomption de connaissance ne pèse sur l’acheteur, qui est toujours présumé de bonne foi. Ainsi, le fardeau de prouver la connaissance réelle du vice repose sur le vendeur.
À cet effet, la norme édictée au Code civil est celle d’un acheteur prudent et diligent suivant l’article 1726 in fine CCQ. Dans une affaire d’infiltration d’eau, la Cour d’appel nous indique qu’il est nécessaire de ne considérer que le comportement des acheteurs et leurs caractéristiques personnelles pouvant démontrer qu’ils ont eu une conduite prudente et diligente. Notamment, lorsqu’ils ont recours aux services d’un expert, il faudrait donc écarter l’appréciation de la conduite de ce dernier pour ne pas imputer aux acheteurs le manque de prudence ou un manquement aux règles de l’art de la part de l’expert[5].
Dans une autre affaire, la Cour supérieure a rejeté une demande introductive d’instance où les demandeurs réclamaient près de 75 000 $ en raison de vices cachés affectant leur résidence. Après analyse des différents rapports au dossier et des témoignages des experts, le Tribunal a conclu qu’aucune des déficiences présentées par la partie demanderesse ne constituait un vice caché au sens de la loi, car elles ne remplissaient pas les exigences de l’article 1726 CCQ. Parmi les déficiences présentées, le Tribunal se penche notamment sur la condition d’un pare-vapeur, lequel était affecté de moisissure non apparente pour tout acheteur raisonnable, mais dont la gravité n’était pas suffisante pour conclure à la présence d’un vice caché[6].
Au Québec, il est prévu que le vendeur soit tenu de délivrer le bien et d’en garantir la qualité[7]. Plus précisément, la garantie légale prévue à l’article 1726 CCQ agit comme une protection accordée par la loi aux acheteurs. Cette garantie porte à la fois sur le bien et ses accessoires[8], et couvre plusieurs aspects, y compris la garantie de qualité, la garantie de conformité et la garantie contre les vices cachés. La garantie légale est obligatoire et elle s’applique automatiquement à toutes les transactions de vente, qu’il y ait un contrat écrit ou non, et qu’elle soit expressément mentionnée ou non dans le contrat[9].
Essentiellement, le vendeur professionnel et le fabricant doivent comprendre que cette garantie a pour objectif de protéger les droits des consommateurs en assurant que les biens achetés soient de qualité satisfaisante, conformes aux descriptions fournies et exempts de vices cachés. Toutefois, les parties peuvent convenir de garanties supplémentaires, allant au-delà de la garantie légale, sans pouvoir réduire les droits et les protections accordés par la loi[10].
De la garantie légale découle la présomption de connaissance du vendeur professionnel, un concept juridique important du droit québécois. Celle-ci est prévue à l’article 1729 CCQ et repose sur différents principes, notamment, sur le fait que le vendeur professionnel exerce généralement une activité commerciale dans un domaine spécifique et/ou spécialisé. Par conséquent, le vendeur est présumé avoir une connaissance approfondie des produits qu’il vend, de leurs caractéristiques, de leurs fonctionnalités, ainsi que des normes et des règlements applicables à ces produits dans le cadre de leurs activités professionnelles.
Dans les faits, l’article 1729 CCQ vient créer une triple présomption :
L’acheteur qui découvre un vice et qui souhaite jouir des effets de l’article 1729 CCQ doit établir par prépondérance qu’il a acquis le bien d’un vendeur professionnel et que le bien s’est détérioré prématurément par rapport à un bien identique ou de même espèce[12].
Toutefois, cette présomption étant réfragable, elle peut donc être renversée par le vendeur ou le fabricant si le défaut est dû à une mauvaise utilisation du bien par l’acheteur ou un tiers[13]. Ici, la conduite de l’acheteur ou du tiers s’apprécie selon la norme objective de la personne prudente et diligente, placée dans les circonstances de l’espèce[14]. La présomption peut également être repoussée en cas de force majeure[15].
À la lumière de la jurisprudence, force est de constater qu’il s’agit d’une présomption plutôt difficile à repousser. Cependant, il existe des exemples où le vendeur a pu la repousser. Par exemple, dans une affaire concernant l’installation de dalles de pavés, la Cour du Québec a reconnu que la défenderesse avait rempli son fardeau et a repoussé la présomption par la démonstration d’une mauvaise utilisation du bien par l’acheteur, et par la démonstration que cette mauvaise utilisation était la cause de la dégradation prématurée des dalles de pavé[16].
Cette présomption qui pèse sur le vendeur professionnel et le fabricant comporte trois conséquences importantes :
1. Elle rend inopposables les clauses de limitation de responsabilité;
2. Elle empêche le vendeur d’invoquer une dénonciation tardive du vice;
3. Elle permet à l’acheteur de réclamer des dommages-intérêts.
Au Québec, la législation encadre les clauses d’exclusion de responsabilité dans les contrats de vente. Bien que les clauses d’exclusion de responsabilité puissent être incluses dans les contrats de vente par les vendeurs professionnels et les fabricants, leur validité et leur applicabilité sont soumises à certaines limitations et conditions.
Ainsi, la présomption de connaissance jouant un rôle déterminant quant à la possibilité pour un vendeur de limiter sa responsabilité, une clause limitative de responsabilité reste alors inopposable à l’acheteur dans la mesure où le vendeur connaissait le vice ou était légalement présumé le connaître[17]. En effet, le Code civil du Québec contient certaines dispositions spécifiques aux vices cachés qui énoncent que toute clause qui exclut ou limite la responsabilité du vendeur pour les vices cachés est réputée non écrite, sauf si l’acheteur en a eu connaissance ou si le vice était apparent au moment de la vente[18]. Les tribunaux ont développé cette tendance à interpréter de manière stricte les clauses de limitation de responsabilité, spécialement en matière de vices cachés.
Dans une affaire de la Cour supérieure, où la qualité d’un système de remplissage et de bouchonnage de bouteilles d’eau de Javel était au cœur du litige, le Tribunal a exclu l’application d’une clause limitative, justifiant que l’équipement visé était affecté d’un vice caché que le vendeur connaissait ou aurait dû connaître. Ainsi, n’ayant pu réfuter la présomption de connaissance, le vendeur ne pouvait pas invoquer en sa faveur la clause de limitation prévue au contrat et l’acheteur était en droit d’obtenir résolution de la vente et restitution du prix de vente.[19]
Cela dit et de manière plus générale, les clauses d’exclusion doivent être claires, précises et non ambiguës pour être considérées comme valides. Ainsi, dans les transactions impliquant des consommateurs, il faut comprendre que la législation québécoise accorde une protection accrue aux acheteurs, notamment en ce qui concerne les clauses contractuelles jugées abusives ou injustes. Les clauses d’exclusion de responsabilité qui tentent de restreindre les droits des consommateurs en matière de vices cachés peuvent être invalidées par les tribunaux.
En résumé, bien que les vendeurs professionnels puissent inclure des clauses d’exclusion de responsabilité dans leurs contrats de vente, il est important de garder à l’esprit que ces clauses peuvent être limitées dans leur validité et leur applicabilité lorsqu’il s’agit de vices cachés. La validité d’une clause d’exclusion dépendra de divers facteurs, notamment sa conformité aux dispositions légales pertinentes ainsi que l’interprétation des tribunaux.
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[1] ABB Inc. c. Domtar Inc., 2007 CSC 50 (CanLII), par. 47.
[2] ABB Inc. c. Domtar Inc., 2007 CSC 50 (CanLII), par. 51
[3] ABB Inc. c. Domtar Inc., 2007 CSC 50 (CanLII), par. 52.
[4] Torres-Ceyte, Jérémie, « Livre 5 – Des obligations », dans Code civil du Québec : Annotation – Commentaires, 8e éd., Yvon Blais, art. 1726, p. 1102.
[5] St-Louis c. Morin, 2006 QCCA 1643 (CanLII), par. 28-29.
[6] Audet c. Payette, 2017 QCCS 4155 (CanLII), confirmé en cours d’appel 2018 QCCA 309 (CanLII).
[7] CCQ, art. 1716, al. 1.
[8] Baudouin, Jean-Louis et Renaud, Yvon, Code civil du Québec annoté, 26e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2023, art. 1726.
[9] CCQ, art. 1716, al. 2.
[10] CCQ, art. 1733, al. 1.
[11] Baudouin, Jean-Louis et Renaud, Yvon, Code civil du Québec annoté, 26e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2023, art. 1729.
[12] CNH Industrial Canada Ltd. c. Promutuel Verchères, société mutuelle d’assurances générales, 2017 QCCA 154 (CanLII), par. 30.
[13] CCQ, art. 1729.
[14] Baudouin, Jean-Louis et Renaud, Yvon, Code civil du Québec annoté, 26e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2023, art. 1726.
[15] Torres-Ceyte, Jérémie, « Livre 5 – Des obligations », dans Code civil du Québec : Annotation – Commentaires, 8e éd., Yvon Blais, art. 1729, p. 1106.
[16] 9417-3150 Québec inc. (Conspec) c. 9116-8799 Québec inc. (Jardins Zeillinger), 2023 QCCQ 8904 (CanLII).
[17] ABB Inc. c. Domtar Inc., 2007 CSC 50, par. 56.
[18] CCQ, art. 1733, al. 2.
[19] American Brands, s.a. c. Capmatic Ltd., 2016 QCCS 5092 (CanLII), par. 164-166.
Cet article a été co-écrit avec Frédérique Cartier-Côté. Pour le vendeur professionnel ou un fabricant qui souhaite faire a...
La pratique du droit est souvent associée à la tenue de procès. Toutefois, une situation litigieuse n’est pas nécessairement synonyme de procès de longue haleine.
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