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L’étendue de l’obligation de bonne foi : La fin de la stabilité contractuelle?

Rédigé par Louis Samuel

21 février 2004 – Avec l’entrée en vigueur du Code civil du Québec en 1994, le législateur codifiait en droit québécois l’obligation pour toutes parties à un contrat d’agir de bonne foi, laquelle obligation a donné lieu à une abondante jurisprudence. Toutefois, peu de jugements ont eu à l’appliquer dans le contexte d’une résiliation anticipée d’un contrat.

Voilà que la Cour d’appel, dans un jugement récent rendu dans l’affaire du Groupe Cliffton c. Meta-4 inc.i, a confirmé la primauté qu’a une partie d’agir de bonne foi et ce, même si son cocontractant a lui-même fait défaut de respecter ses propres obligations aux termes du contrat.

Les faits sous-jacents à cette affaire sont relativement simples. Solutions Réseau d’affaires Meta-4 loue, dans des centres commerciaux gérés par le Groupe Cliffton, un petit espace pour y installer des guichets bancaires automatiques. Le volume des transactions bancaires envisagé se révélant nettement inférieur à ce qui avait été anticipé, Meta-4 cesse de payer le loyer et retire ses guichets automatiques après avoir tenté en vain de trouver un terrain d’entente avec le Groupe Cliffton. Le Groupe Cliffton poursuit donc Meta-4 et demande que celle-ci soit condamnée à payer le plein montant des arrérages de loyer alors dus.

Ayant constaté une absence totale d’effort par le Groupe Cliffton de relouer les espaces abandonnés par Meta-4, la Cour d’appel confirme le jugement de la Cour supérieure, conclut à la mauvaise foi du Groupe Cliffton et plafonne le montant de sa réclamation à trois mois de loyer.

Cet arrêt pose des problèmes d’application pratique importants en ce qu’il subordonne les droits des parties à une détermination factuelle préalable de bonne ou mauvaise foi, laquelle pourrait s’avérer difficile compte tenu des faits particuliers à chaque dossier.

Au surplus, si la Cour se devait de conclure à une absence partielle ou totale de bonne foi, il pourrait alors y avoir imposition d’une sanction à la partie défaillante. C’est ainsi que dans l’affaire du Groupe Cliffton, la Cour d’appel a décidé de réduire la réclamation demandée et de n’octroyer que trois mois de loyer, alors qu’en tant que locateur, le Groupe Cliffton aurait, en principe, eu droit d’exiger le plein paiement des arrérages dus par le locataire.

Il semble dès lors acquis, suite à ce récent jugement de la Cour d‘appel, que le souci qu’avait le législateur d’introduire une forme de justice contractuelle, en obligeant les parties à agir de bonne foi, risque de porter considérablement atteinte à la stabilité contractuelle jusqu’ici chèrement acquise et souvent citée sous le vieil adage « le contrat fait la loi des parties ».

La prudence sera donc de mise et tous auraient intérêt à consulter leurs avocats afin de se prémunir contre des conséquences possiblement néfastes de décisions qui pourraient ultérieurement être considérées par un tribunal comme représentant un manquement à leurs obligations de bonne foi.

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