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Le PIIA et le cadre normatif d’aménagement du territoire

Rédigé par Jonathan M. Fecteau et Marc Beauchemin

Une municipalité peut-elle refuser un projet parfaitement conforme au règlement de zonage par le biais d’un PIIA1?

Le présent article tente d’apporter un éclairage sur la façon dont l’outil discrétionnaire d’aménagement du territoire qu’est le PIIA doit interagir avec les règlements normatifs d’urbanismes, notamment la réglementation de zonage.

La Loi sur l’aménagement et l’urbanismeLAU ») accorde aux municipalités les outils légaux en matière d’aménagement du territoire. Parmi ceux-ci, les municipalités doivent adopter un règlement de zonage afin de régir bon nombre d’aspects afférents à l’utilisation du sol sur son territoire, notamment l’usage permis, le type de construction, les normes d’implantation, etc. L’aspect normatif du règlement de zonage, qui contient des critères objectifs à respecter, est souvent insuffisant pour les municipalités qui désirent imposer des contraintes subjectives aux nouvelles constructions. En effet, l’inclusion du style architectural, l’aménagement paysager ou encore la relation avec les constructions existantes peuvent très difficilement être contrôlés par un règlement de zonage puisque chaque situation est un cas d’espèce.

Le législateur québécois a donc accordé aux municipalités un pouvoir discrétionnaire afin de permettre à son conseil d’apprécier la qualité et l’intégration des projets soumis. Pour ce faire, la LAU prévoit la possibilité pour une municipalité d’assujettir la délivrance de permis de construction à l’approbation d’un PIIA. Le PIIA est alors analysé par un comité consultatif d’urbanisme (« CCU ») qui soumet une recommandation quant à son acceptabilité au conseil municipal, à qui la décision finale revient. En somme, lorsqu’une municipalité se dote d’un règlement sur les PIIA, elle se donne la possibilité de contrôler d’une manière plus flexible les projets de construction afin de s’assurer qu’ils s’implantent et s’intègrent dans l’environnement existant.

Le règlement de zonage et le règlement sur les PIIA sont donc deux outils urbanistiques de mécaniques bien différentes et il peut être difficile de comprendre comment ils doivent interagir.

Dans l’affaire Loblaw Québec ltée c. Alimentation Gérard Villeneuve (1998) inc.2 , la Cour d’appel conclut qu’en aucune circonstance une municipalité ne pourrait, par PIIA, déroger aux normes réglementaires applicables sur son territoire et ainsi autoriser une construction dont certains éléments contreviendraient au règlement de zonage.

Cependant, la question reste entière lorsque, par un PIIA, une municipalité vient ajouter aux normes de construction et d’implantation applicables aux termes du règlement de zonage.

L’affaire 9129-6111 Québec inc. c. Longueuil3 offre une première piste de réponse. Dans cette affaire, le promoteur désirait entamer un projet de construction, de 15 et 20 unités, parfaitement conforme au règlement de zonage. Le CCU refuse cependant d’accepter le PIIA, demandant alors de réduire le nombre d’étages et d’unités du projet. La demanderesse intente alors un recours en mandamus afin de contraindre l’émission d’un permis de construction. La Cour accueillera la demande, rappelant que la discrétion accordée à un conseil municipal d’approuver ou de refuser des projets de construction sur la base d’un règlement de PIIA ne peut servir à contredire ou à mettre en échec les dispositions normatives d’un règlement de zonage.

Subséquemment, la Cour d’appel dans l’affaire Al-Musawi c. Montréal (Ville de)4 validera la décision du conseil municipal de refuser une demande de PIIA pour un projet par ailleurs conforme à la réglementation de zonage lorsque les motifs de refus sont reliés à la dimension et à l’implantation d’un bâtiment. La Cour conclut en ces termes, qui résument bien l’état du droit quant à la relation entre le PIIA et le règlement de zonage :

[15] Si, en pratique, les règlements sur les PIIA portent sur des aspects qui ne font pas l’objet de dispositions dans les règlements d’urbanisme applicables à la zone où se situe le projet de construction, ils peuvent porter sur les mêmes sujets sans évidemment les contredire (Lorne GIROUX, précité, à la p. 398). Il paraît alors normal que le contrôle de l’aspect qualitatif d’un projet de construction ne puisse s’effectuer sans avoir une certaine incidence sur l’aspect « normatif » du projet. Il en serait différemment si cet aspect « normatif » était au cœur même de l’objectif visé par le contrôle de l’aspect qualitatif.

À notre avis, il faut bien évidemment donner plein effet à tous les outils urbanistiques qui sont prévus dans la LAU et, conséquemment, appliqués correctement, un règlement de PIIA pourrait avoir des effets directs sur les normes d’implantation d’une construction. Cependant, suivant les décisions Longueuil et Al-Musawi, l’aspect normatif, dont font partie les normes d’implantation, ne doit pas être au cœur de l’objectif du PIIA qui, à la base, vise à contrôler l’aspect qualitatif d’un projet.

Si vous êtes confronté à une problématique de développement urbain, communiquez avec un des membres de notre équipe de droit municipal qui, par leurs conseils rapides et judicieux, pourront correctement vous représenter et, espérons-le, vous éviter bien des tracas.

1. Le PIIA désigne un « Plan d’implantation et d’intégration architecturale ». Nous désignerons tant les plans devant être déposés que le processus à être suivi par l’acronyme « PIIA ».

2. Loblaw Québec ltée c. Alimentation Gérard Villeneuve (1998) inc. (C.A., 2000-10-04), SOQUIJ AZ-50079140, J.E. 2000-1930, [2000] R.J.Q. 2498. 3. 9129-6111 Québec inc. c. Longueuil (Ville de), (C.S., 2005-03-11), SOQUIJ AZ-50298546, J.E. 2005-943, [2005] R.J.Q. 1487. 4. Al-Musawi c. Montréal (Ville de), 2006 QCCS 2774, confirmé par Al-Musawi c. Montréal (Ville de), 2007 QCCA 1481.

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