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Soyez un acheteur averti !

Rédigé par Aubie J. Herscovitch

31 mai 2018 – On dit que le temps et l’expérience engendrent la prudence. Cela ne pourrait être plus vrai, surtout lorsqu’il est question de vérification diligente lors de l’acquisition d’une propriété. La décision rendue par le Tribunal administratif du Québec opposant Juste investir inc. au ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (« Ministère »), en est une illustration flagrante.

Dans cette affaire, la partie requérante, une société coquille dont l’unique actionnaire et administrateur était un courtier immobilier commercial et directeur des acquisitions, dans une agence de location immobilière bien établie en Amérique du Nord (l’« Acheteur »), acheta une propriété à Pointe-Claire. Pensant faire la bonne affaire, l’Acheteur put acquérir à bas prix, en 2015, cette propriété mise en vente par la Ville de Pointe-Claire pour défaut de paiement des taxes municipales. Le site sur lequel se trouvait la propriété était, en fait, l’ancien site de Reliance (la « Propriété »), situé sur un terrain ayant été le théâtre d’un déversement d’un millier de litres d’eaux huileuses contaminées par des biphényles polychlorés (BPC). Cet incident, pour le moins singulier, avait d’ailleurs été l’objet d’une couverture médiatique plutôt étendue, à partir du mois de mars 2013.

Dans ce litige, l’Acheteur accusa le Ministère d’avoir été négligent et d’avoir fait preuve de mauvaise foi en omettant d’enregistrer, en bonne et due forme, un avis de contamination sur la Propriété, conformément à la loi. Il lui reprocha également d’avoir omis d’informer les éventuels acquéreurs de l’étt de contamination du site. Conséquemment, l’Acheteur plaida qu’il n’aurait jamais acquis la Propriété, s’il avait eu connaissance de cet état de contamination aux BPC. Dans les faits, l’Acheteur avait acquis la propriété le 4 juin 2015, mais ledit avis de contamination n’avait été publié au registre foncier que cinq mois plus tard.

Avant qu’il ne procède à l’acquisition de la Propriété, l’Acheteur effectua une vérification diligente sommaire, incluant une visite du site et la consultation du registre foncier. Ces vérifications furent toutefois assez expéditives vu l’importance de l’acquisition effectuée. D’ailleurs, et c’est ce qui retint l’attention du Tribunal, au terme de ses recherches, l’Acheteur put constater que des travaux de l’ordre de quatre millions de dollars avaient été effectués sur le terrain, après le déversement des BPC. Sans en être découragé pour autant, il consulta un expert en environnement qui lui indiqua alors que de tels travaux avaient « probablement » permis la décontamination du site. Pour l’Acheteur, la « probabilité de décontamination » fut suffisante pour mener à terme cette transaction.

Le Tribunal décida que ces vérifications étaient manifestement insuffisantes. Ce faisant, il dut ensuite se poser la question de savoir si l’Acheteur avait agi comme un courtier immobilier averti ou bien s’il avait clairement manqué de vigilance en procédant à l’achat de ce terrain. Les juges administratifs se prononcèrent en faveur de la deuxième prémisse, jugeant d’ailleurs qu’en tant que courtier immobilier commercial d’expérience, l’Acheteur aurait dû se douter qu’il y avait là anguille sous roche. Comme ce dernier spécula en procédant à un investissement risqué, ne se fondant alors que sur des renseignements fragmentaires, le Tribunal conclut qu’il ne pouvait pas légitimement prétendre ne pas être au courant de la présence de contaminants sur le terrain au moment de l’achat. Ainsi, étant le nouveau propriétaire de la Propriété, l’Acheteur dut se conformer à l’ordonnance émise par le Ministère et procéder à la décontamination nécessaire, bien que celle-ci pût se chiffrer à plusieurs millions de dollars.

Une telle décision a sans aucun doute transformé un investissement stratégique en cauchemar. Cela dit, ce genre de situation aurait facilement pu être évitée en s’appuyant sur l’expertise de professionnels ayant une vaste expérience dans ce domaine. Un avocat spécialisé en droit immobilier aurait effectué une recherche hors titre, afin de déceler de tels risques et ainsi prévenir un acheteur potentiel des enjeux environnementaux reliés au terrain. Plus précisément, dans ce cas-ci, une recherche aurait été effectuée sur le site Internet du Ministère, afin de consulter le Répertoire des terrains contaminés. Cette recherche aurait immédiatement révélé l’existence d’une fiche technique sur la propriété indiquant qu’un avis de contamination aux BPC était toujours en vigueur, et qu’une décontamination complète de la Propriété n’avait pas eu lieu.

On ne saurait trop insister sur le degré de diligence qui doit être exercé lors de l’acquisition d’un bien immobilier, et plus particulièrement lorsqu’il s’agit d’un bien qui a un certain âge ou qui a été utilisé à des fins industrielles. Il est important d’être pleinement informé et, surtout, de faire affaire avec des professionnels qui ont l’habitude de procéder à de telles transactions. L’on peut en conclure que, lors de toute acquisition, et en particulier lorsqu’une occasion d’affaires semble trop belle pour être vraie, il demeure avantageux de consulter un avocat spécialisé en droit immobilier, afin d’éviter de se retrouver dans une situation aussi problématique.

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