Distinguer les principaux types de contrats en droit québécois de la construction est primordial pour gérer les coûts et déterminer les obligations de chacun dans un projet de construction. Tous les acteurs du milieu de la construction, que ce soit les entrepreneurs, les organismes publics et autres donneurs d’ouvrage, en passant par les assureurs, cautions et les avocats en droit de la construction, sont concernés. Cet article de Marilyn Tétrault-Beaudoin, David Kauffman, Étienne Chauvin et Hélène Mondoux, vous introduit aux principaux et plus courants types de contrats en droit de la construction au Québec : le contrat forfaitaire, le contrat unitaire, et le contrat à prix coûtant majoré.
Le contrat à forfait
Le contrat à forfait, aussi appelé contrat à prix forfaitaire ou lump sum ou fixed/stipulated price contract, détermine un prix fixe et global pour l’exécution du projet. Les risques d’augmentation ou de diminution de prix en raison des circonstances rencontrés sont ainsi diminués. Ce type de contrat est encadré par l’article 2109 du Code civil du Québec (C.c.Q.).
Le prix d’un contrat forfaitaire peut parfois changer. Dans un contrat à forfait dit « relatif », le propriétaire se réservera le droit de demander des travaux additionnels ou des modifications, que ce soit au moyen d’une clause de détermination anticipée des coûts et, en cas de désaccord, d’un mécanisme de règlement des différends prévu au contrat, ou à défaut, en vertu de la loi.
Un exemple de contrat à forfait relatif est le contrat type CCDC 2 – 2008 du Comité canadien des documents de construction (CCDC). La plus récente version de ce contrat type est le CCDC 2 – 2020 et est conçue pour les provinces canadiennes s’étant dotées de lois imposant les paiements rapides et les arbitrages intérimaires (prompt payment and adjudication), ce qui n’est pas le cas du Québec. Ainsi, il est préférable de continuer de se référer à la version de 2008
Conseil : Une ventilation détaillée des travaux inclus dans ce contrat permet de déterminer plus facilement les ajustements au prix en cas de changements légitimes en cours d’exécution.
Quand utiliser le contrat à forfait?
Il convient d’utiliser ce type de contrat lorsque l’objectif des parties, pour différentes raisons, est de s’entendre sur le prix global. Pour des propriétaires ayant une faible tolérance aux risques, les risques inhérents à un projet de construction sont réduits. Pour l’entrepreneur, les entrées d’argent et les marges de profit sont assurées.
Les avantages du contrat à forfait
Les coûts d’exécution du projet sont prévisibles, ce qui est particulièrement important en période de manque de main-d’œuvre et de difficultés d’approvisionnement en matériaux.
Les inconvénients du contrat à forfait
Puisque le contrat à forfait représente plus de risque pour l’entrepreneur, celui-ci voudra que le prix reflète cette prise de risque. Si l’entrepreneur évalue mal l’échéancier de construction ou en sous-estime le coût, c’est lui qui devra absorber l’impact des coûts et des délais.
Conseil : Les modifications en cours d’exécution des travaux sont presque inévitables. Considérez inscrire au contrat une formule permettant de déterminer les coûts relatifs à une modification. Il est aussi préférable de ne pas laisser les délais s’envenimer.
Le contrat à prix unitaire
Dans ce contrat, les catégories de tâches et de matériaux ont un prix déterminé à l’unité. Le prix total sera déterminé par la multiplication des quantités réellement posées ou fournies par le prix unitaire convenu et en fonction des travaux réellement exécutés.
Le contrat à prix unitaire est considéré comme une variante de contrat à forfait, dans la mesure où chaque prix par unité de travail constitue un forfait. C’est donc l’article 2109 C.c.Q. qui lui est applicable.
Dans les projets de grande envergure, certains contrats publics ou privés prévoient un palier, habituellement 15%, au-delà duquel les coûts unitaires doivent être renégociés advenant un dépassement des quantités estimées au contrat.
Quand utiliser le contrat à prix unitaire?
Ce type de contrat trouve sa pertinence dans les travaux ou fournitures répétitifs, tels que l’approvisionnement de béton ou l’excavation et le remblai en volumes quantifiables pour un projet. Il en est de même lorsqu’il est prévisible que le volume ou la quantité des travaux est difficilement déterminable au début du projet ou variera en cours de celui-ci. Par exemple, lors de la construction d’une route, il peut être impossible de déterminer la quantité de roc à excaver, par rapport à la quantité de terre, alors que ces types d’excavation ont des coûts d’exécution nettement différents. Les parties ont alors intérêt à déterminer le coût unitaire pour chaque type d’excavation, plutôt qu’un contrat à forfait qui s’avèrerait arbitraire.
Les avantages du contrat à prix unitaire
Les coûts sont facilement ajustables en cas de modification. Ce contrat nécessite moins d’estimation et s’avère plus équitable lorsque les quantités et volumes sont difficiles à prévoir.
Les inconvénients du contrat à prix unitaire
Le coût réel des travaux n’est connu qu’à la fin du projet.
Le contrat à prix coûtant majoré ou en gérance de construction
Dans ces types de contrats, le propriétaire s’engage à rembourser à l’entrepreneur tous les coûts réels de la main-d’œuvre et des matériaux au prix coûtant auquel il ajoute un pourcentage ou un honoraire prédéterminés, servant à couvrir les frais généraux et le profit à l’entrepreneur. C’est l’article 2108 C.c.Q. qui s’applique à ce type de contrat, aussi appelé « coût plus honoraires » ou « cost plus ».
Un exemple de ce type de contrat est le CCDC 3 – 2016. Malgré les apparences, le contrat de gérance de construction pour services et construction, tel que le CCDC 5B – 2010, agit comme un contrat à prix coûtant majoré surtout pendant la phase de construction. C’est pour cette raison que nous traiterons des deux types de contrats dans la même section.
Les parties peuvent prévoir un prix plafond et conclure ainsi un contrat à prix coûtant majoré ou en gérance de construction à prix maximum garanti (PMG), auquel elles peuvent ajouter un mécanisme de partage des bénéfices advenant une différence entre le PMG et le coût réel du projet.
Quand utiliser le contrat à prix coûtant majoré ou en gérance de construction?
Ces contrats s’utilisent principalement dans deux contextes. D’abord, sur les chantiers de construction en régime accéléré (fast-track project), où les plans et devis ne sont pas encore entièrement disponibles au moment où le projet débute. Ensuite, ils s’utilisent dans les projets où les parties ne souhaitent pas s’imposer une limite de prix, en prévoyant que le propriétaire paie pour le coût des travaux, plus un honoraire forfaitaire, un pourcentage ou un taux horaire additionnel à l’entrepreneur.
Les avantages du contrat à prix coûtant majoré ou en gérance de construction
Ces types de contrats sont particulièrement avantageux en période de manque de main-d’œuvre et de difficultés d’approvisionnement en matériaux, où l’utilisation d’un contrat à forfait n’est pas réaliste.
Les inconvénients du contrat à prix coûtant majoré ou en gérance de construction
Le coût total des travaux n’est connu qu’à la fin du projet. Le client prend plus de risques financiers et de dépassement d’échéancier qu’avec un contrat forfaitaire. L’entrepreneur, de son côté, en prend moins. Aussi, ces types de contrats rendent la gestion et l’organisation du projet plus complexes, surtout lorsque des événements imprévisibles perturbent le déroulement des travaux.
Facteurs à considérer avant de choisir un type de contrat de construction
Avant de choisir un type de contrat, l’entrepreneur et le propriétaire doivent évaluer les contraintes budgétaires, les délais du projet de construction et leur tolérance au risque.
Les contraintes budgétaires
Dans un monde idéal, un propriétaire qui a des contraintes budgétaires aura avantage à choisir un contrat dont le coût final des travaux est déterminé, tel que le permet le contrat forfaitaire. Mais surtout, il aura avantage à mettre en concurrence plusieurs entrepreneurs afin d’obtenir le meilleur prix du marché.
L’entrepreneur qui travaille avec des contraintes budgétaires a intérêt à conclure un contrat comportant une clause de modification et formule d’ajustement advenant des travaux imprévus.
En période difficile pour l’industrie de la construction, parfois toutes les parties doivent assumer plus de risques.
Les délais du projet de construction
Dans un contrat à prix coûtant majoré, plus un projet de construction est étalé dans le temps, plus il est probable qu’un propriétaire devra rembourser l’entrepreneur les frais généraux (souvent appelés les « conditions générales »), soit les frais fixes du chantier engagés pour l’exécution du projet. Des délais imprévus peuvent également compliquer les réclamations pour dommages indirects et d’impact plus complexes.
De même, dans un contrat dont la date de fin des travaux est très importante, le propriétaire voudra s’assurer que l’entrepreneur respecte scrupuleusement l’échéancier. Pour s’en assurer, le contrat de construction peut envisager une obligation de déployer des mesures d’accélération et peut prévoir des sanctions en cas de retards.
Toutefois, l’entrepreneur peut avoir droit à une compensation supplémentaire si les retards sont imputables au propriétaire, aux autorités gouvernementales ou réglementaires, à un cas de force majeure ou à d’autres événements indépendants de la volonté de l’entrepreneur, lesquels sont parfois identifiés dans le contrat. Idéalement, un contrat de construction devrait aborder et traiter de ces possibilités.
De plus, le contrat peut prévoir que les parties assument équitablement les conséquences qui découlent d’événements qui sont maintenant prévisibles, tels que les restrictions et les fermetures provoquées par la Covid-19.
La tolérance au risque
Le prix du contrat est généralement proportionnel au partage des risques. Par exemple, si la date de fin des travaux est de moindre importance, ou n’est pas absolument nécessaire, les parties voudront éviter d’assortir le contrat de frais d’accélération obligatoire ou de sanctions pour bénéficier du meilleur prix possible.
Comment un avocat spécialisé en droit de la construction de chez De Grandpré Chait peut vous vous aider
Le meilleur contrat est celui qui répond le mieux aux besoins des parties et aux particularités du projet. Il se peut que ce contrat soit une combinaison de plusieurs types, ou même, un autre type qui n’est pas mentionné ci-dessus, tel que les contrats de conception-réalisation ou à réalisation de projet intégrée (Integrated project delivery – IPD). Hormis les projets de construction très mineurs, la plupart des formulaires de contrat prévoient que des conditions supplémentaires doivent être rajoutées pour compléter les spécificités du projet.
Au Québec, la plupart des formulaires types de contrats de construction pour retenir les services d’un entrepreneur, un architecte ou un ingénieur sont publiés en français et en anglais.
Les avocats en droit de la construction chez De Grandpré Chait sauront vous conseiller dans le choix d’un contrat de construction sur mesure.