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Peut-on forcer une municipalité à prolonger ses services municipaux afin de permettre le développement d’un territoire?

Rédigé par Jonathan M. Fecteau

Le présent article tentera d’apporter un éclairage sur l’application de la théorie de la préclusion promissoire en droit public lorsque confrontée à l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire par une autorité publique. Rappelons que la préclusion promissoire se définit essentiellement comme le droit au respect d’une promesse.

Dans Immeubles Jacques Robitaille Inc. c. Québec (Ville)1 , la Cour suprême du Canada confirme que la préclusion promissoire permet à un administré d’obtenir de l’Administration l’accomplissement d’une promesse faite en contraignant l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire. Par ce même arrêt, la Cour suprême énonce les critères donnant ouverture à l’application de la préclusion promissoire en droit public, soit l’existence (1) d’une promesse claire et non équivoque de l’autorité publique qui n’est pas contraire à l’intérêt public ni à la loi, et (2) d’un comportement de l’administré fondé sur cette promesse.

La promesse de l’Administration peut d’ailleurs s’inférer de la conduite d’une partie, de ses paroles et des circonstances de l’affaire, comme le souligne la Cour suprême du Canada dans Maracle c. Travellers Indemnity Co. of Canada2.

La Cour supérieure du Québec, dans Corporation d’hébergement du Québec3, a également reconnu que la préclusion promissoire trouvait application contre une municipalité et que la promesse peut s’inférer d’une résolution dûment adoptée par le conseil, mais également des paroles d’un représentant de l’autorité décisionnelle.

Plus récemment, la Cour supérieure du Québec, dans Corporation d’investissement Montarville4, une affaire plaidée par mon collègue, Jean-Daniel Lamy et moi-même, confirme l’application de ces principes et ordonne à la Ville de St-Bruno-de-Montarville, notamment en application de la théorie de la préclusion promissoire, de permettre à la demanderesse l’accès aux infrastructures municipales requises pour développer son immeuble à des fins multirésidentielles :

« [46]  Pour le Tribunal, les résolutions de la Ville en 1981 et en 2005, de même que les représentations faites jusqu’en 2013, s’il n’y avait pas eu d’engagement contractuel, auraient constitué une promesse claire et non équivoque faite à CIM sur la base de laquelle celle-ci a agi et a accompli plusieurs actes, ces représentations visant spécifiquement à l’inciter à accomplir certains actes dans la foulée de la promesse initiale faite en 1981 d’assurer l’accessibilité d’un projet accepté.

[…]

[48]  La Ville ayant, par ses représentations et promesses, amené le CIM à s’engager et à agir en fonction de celles-ci, les nouveaux élus n’avaient plus la latitude de revenir sur ces représentations et promesses. »

Cette décision constitue l’une des très rares décisions rendues au Québec qui permet à un promoteur de forcer une municipalité à prolonger une rue et les services municipaux en l’absence d’un protocole d’entente dûment signé.

1. [2014] 1 R.C.S. 784 2. [1991] 2 R.C.S. 50 3. 2011 QCCS 2573 4. 2020 QCCS 228

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