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Expropriation déguisée – Jugement important dans le dossier du Boisé des Hirondelles situé à Saint-Bruno-de-Montarville

Rédigé par Jean-Daniel Lamy et Jonathan M. Fecteau

Jean Daniel Lamy et Jonathan Fecteau ont représenté Sommet Prestige Canada Inc. et Propriétés Sommet Prestige Inc. dans le cadre d’un litige les opposant depuis plusieurs années à la Ville de Saint-Bruno-de-Montarville.

Les clientes ont intenté ces procédures judiciaires à la suite de l’application de normes d’abattage d’arbres très restrictives à l’égard de leur propriété par la Ville de Saint-Bruno-de-Montarville. Ces normes ont eu pour effet d’y empêcher la réalisation d’un projet de développement résidentiel ayant déjà fait l’objet d’autorisations municipales, mais également toute autre utilisation raisonnable de leur propriété.

Le 7 mars 2023, la Cour supérieure s’est prononcée dans cette affaire, rendant de ce fait une décision très importante – et attendue – en matière d’expropriation déguisée. Par ce jugement, la Cour supérieure a donné gain de cause aux clientes, reconnaissant leur droit au paiement d’une indemnité d’expropriation juste et raisonnable en conséquence de l’expropriation déguisée de leur propriété par la Ville de Saint-Bruno-de-Montarville.

Cette décision s’établit notamment sur les principes suivants :

Choix du recours : les deux redressements possibles en ce qui concerne l’expropriation déguisée, à savoir le recours en nullité et le recours en indemnisation, sont alternatifs.

Fardeau de preuve en matière d’expropriation déguisée : la Cour supérieure réitère le principe établi par la Cour d’appel dans l’arrêt Dupras à l’effet que la bonne ou mauvaise foi de la municipalité, ou encore la présence d’une faute, n’est d’aucune pertinence à la détermination de l’existence d’une expropriation déguisée. C’est l’effet de la réglementation attaquée qui doit être analysé.

Pouvoir habilitant : le paragraphe 16 de l’article 113 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme n’autorise pas les villes et les municipalités du Québec à exproprier un propriétaire privé sans lui verser une juste et préalable indemnité, et ce, peu importe que le règlement jugé expropriant soit ou non conforme à cette disposition habilitante. Seule une habilitation législative claire à outrepasser la règle édictée par l’article 952 du Code civil du Québec permettrait un tel accroc au droit fondamental que représente le droit de propriété au Québec et au Canada.

En somme, il s’agit là d’une nouvelle victoire pour les droits des propriétaires privés en matière d’expropriation déguisée, alors qu’ils doivent trop souvent multiplier les procédures judiciaires longues et coûteuses pour obtenir ce qui aurait dû leur être versé dès le départ, et par des corps publics, faut-il le rappeler. Espérons que cette décision permettra enfin un rééquilibrage des forces dans ce domaine, lequel se fait malheureusement attendre depuis beaucoup trop longtemps.

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