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Commentaire sur la décision Société en commandite Capital Laval c. Développements Iberville limitée – La rédaction de la clause d’exclusion de garantie légale

Rédigé par Alissa Stachrowski

Mars 2018 – Les cours de première instance ont déjà décidé plusieurs fois que les clauses d’exclusion de la garantie légale doivent être rédigées de façon non ambiguë, mais qu’en est-il lorsque l’intention des parties est claire, mais pas nécessairement explicite ? Dans la décision Société en commandite Capital Laval c. Développements Iberville limitée, la Cour supérieure évalue la légitimité de l’ajout « quant au titre seulement » à la fin de la clause d’exclusion de la garantie légale, dont la validité est contestée par la demanderesse.

I– LES FAITS À la suite d’un différend concernant une petite parcelle de terrain appartenant à la demanderesse Société en commandite Capital Laval (« Capital Laval ») et utilisée par les clients de cette dernière et les clients du défendeur Les développements Iberville Ltée. (« Iberville »), Capital Laval a offert d’acheter le centre commercial d’Iberville pour mettre fin au conflit.

L’offre d’achat du centre commercial prévoyait une garantie légale. Iberville a proposé plusieurs modifications importantes, y compris l’ajout de « quant au titre » dans la clause de garantie légale, qui a ensuite été accepté par le représentant de Capital Laval.

Me Charles Bisante, le codéfendeur, a rédigé l’acte de vente, en omettant la mention « quant au titre ». Le représentant d’Iberville a communiqué avec Me Bisante et lui a demandé d’ajouter l’ajout selon l’offre d’achat. Comme Me Bisante ne connaissait pas les détails de l’offre, il a communiqué avec le représentant de Capital Laval pour savoir si une inspection préalable à l’achat avait été effectuée pour permettre l’ajout de cette mention.

Lors de la clôture, le représentant d’Iberville a interrompu la lecture du projet d’acte de vente par le notaire et a demandé que la mention « quant au titre seulement » soit ajoutée à la clause de garantie légale.

Peu de temps après, Capital Laval a découvert la présence de pyrite sous la dalle de béton du centre commercial et a intenté une poursuite en recouvrement des sommes engagées pour enlever la pyrite, et pour déplacer temporairement les locataires et réparer la propriété.

II– LA DÉCISION La Cour a décidé de scinder la preuve et a identifié les 11 questions juridiques suivantes pour la première partie de l’enquête et l’instruction :

1. Iberville est-elle un vendeur professionnel (en vertu de l’article 1729 C.c.Q.) ? 2. La propriété a-t-elle été vendue avec ou sans garantie légale ? 3. La demanderesse a-t-elle renoncé à la garantie légale de qualité ? 4. Quelle était l’intention des parties en ce qui concerne la garantie légale de qualité ? 5. Me Bisante a-t-il commis une faute professionnelle ? 6. Me Bisante a-t-il négligé son devoir de conseiller et d’informer correctement son client ? 7. Me Bisante a-t-il exécuté son mandat conformément à la norme de conduite applicable ? 8. Me Bisante a-t-il expliqué au représentant de Capital Laval l’étendue et la signification des modifications à l’acte de vente demandé par Iberville ? 9. Me Bisante a-t-il expliqué au représentant de Capital Laval la signification du mot « seulement » ? 10. Y a-t-il un lien de causalité entre la faute imputée au notaire Bisante et les dommages allégués ? 11. L’acte est-il une altération matérielle et une altération intellectuelle ?

Compte tenu du lien entre plusieurs des questions, la Cour les a combinées en cinq questions juridiques.

A. Iberville est-elle un vendeur professionnel (en vertu de l’article 1729 C.c.Q.) ? Il existe une présomption d’existence d’un vice caché au moment de la vente si le vendeur est considéré comme un vendeur professionnel.

Étant donné que la principale occupation d’Iberville au moment de la vente était l’exploitation de centres commerciaux et non la vente de ces centres commerciaux, la Cour a conclu qu’Iberville n’était pas un vendeur professionnel. La situation d’Iberville a été comparée à celle de Petro-Canada dans Petro-Canada c. Mabaie Construction Inc. et à celle de Caisse Desjardins dans Roussel c. Caisse Desjardins de Ste-Foy. Les deux parties susmentionnées ont parfois vendu des biens dans le cours normal des affaires, mais pas comme l’activité principale de ladite entreprise.

B. L’acte de vente est-il un faux ? Le demandeur a prétendu que l’acte de vente contenait une altération matérielle en ce qu’elle incluait la mention inexacte « et après lecture conforme de celle-ci les parties ont signé avec le notaire soussigné » et une altération intellectuelle en ce sens qu’elle ne reflétait pas l’intention des parties concernant la garantie légale.

Étant donné que le notaire a omis de lire l’intégralité de l’acte de vente, il est devenu un écrit privé au lieu d’un écrit authentique. La Cour a souligné que le document n’est pas devenu nul simplement parce que le notaire ne l’a pas lu. La Cour a conclu que l’acte de vente en tant que tel n’était pas une contrefaçon.

C. La propriété a-t-elle été vendue sans la garantie légale de qualité ? La Cour a déterminé que l’ajout des mots « quant au titre » dans l’offre d’achat doit avoir un sens. De plus, l’acte de vente comportait diverses conditions qui transféraient le risque de qualité à Capital Laval, dont l’objectif principal était d’obtenir des titres propres.

La Cour a conclu que les parties à l’offre d’achat ont convenu de limiter la garantie légale au titre seulement et, par conséquent, la garantie de qualité était implicitement, mais clairement, exclue.

D. Me Bisante a-t-il exécuté son mandat conformément à la norme de conduite applicable ?

1. La conspiration pour ajouter le mot « seulement » dans l’acte de vente La Cour a conclu qu’il n’y avait pas de conspiration entre Iberville et Me Bisante pour ajouter le mot « seulement », pour plusieurs raisons : – Étant le notaire de Capital Laval depuis près de 30 ans, Me Bisante n’avait aucune raison de favoriser d’Iberville ; et – L’ajout du mot « seulement » n’a pas modifié l’intention des parties.

2. Le défaut de conseiller correctement La Cour n’a pas jugé que Me Bisante était fautif d’aviser correctement puisqu’il n’était pas impliqué dans l’offre d’achat et celle-ci ne lui a pas été montrée avant qu’un représentant d’Iberville ne l’ait informé de son existence ; à ce moment, il a vérifié l’intention de l’offre avec trois des représentants du demandeur.

3. La faute de Me Bisante a causé la perte de la garantie de qualité La Cour a confirmé que Me Bisante n’était pas responsable de la perte de la garantie de qualité puisque l’intention des parties était évidente dans l’offre d’achat.

E. Existe-t-il un lien de causalité entre la faute imputée à Me Bisante et les dommages allégués ? La Cour a conclu qu’il n’y avait pas de lien de causalité entre les dommages et la faute alléguée de Me Bisante. Hypothétiquement, si Capital Laval avait bénéficié d’une garantie de qualité, Iberville aurait été la seule partie à garantir la propriété contre les défauts.

III– LE COMMENTAIRE DE L’AUTEURE Le ministre de la Justice n’a pas donné suffisamment de détails dans sa définition d’un vendeur professionnel, ce qui en faisait un concept mal compris et controversé. Cependant, la Cour supérieure a récemment confirmé que le statut de vendeur professionnel est déterminé par l’occupation principale d’une partie et non par le fait qu’une partie peut avoir été un vendeur occasionnel dans certaines circonstances particulières.

D’autre part, étant donné que la jurisprudence est sans équivoque en ce sens que l’exclusion de la clause de garantie légale doit être claire, précise et non équivoque, il peut être surprenant que la Cour supérieure ait conclu que les termes « quant au titre seulement » ont exclu la garantie de qualité étant donné que l’exclusion n’était pas explicite. La Cour a appliqué l’état de la loi en ce qui concerne l’interprétation : rien n’est écrit sans raison. Elle a attribué une importance à l’ajout de « quant au titre » à l’offre d’achat et « quant au titre seulement » à l’acte de vente. De plus, le contexte entourant la vente et les modifications à l’acte de vente ont confirmé les intentions des parties.

En dernier lieu, la décision de la Cour de diviser le dossier en deux est beaucoup plus importante que cela ne semble l’être à première vue. Ce dossier comportait beaucoup plus de questions d’ordre juridique que ce qui était énoncé dans le jugement. La Cour a accepté d’entendre l’affaire en deux parties afin de faciliter la production de preuves. La décision sur l’exclusion de la garantie légale a permis à la Cour de rendre un jugement final avant la preuve et l’audition de toutes les autres questions juridiques, réduisant ainsi la durée du procès (la seconde partie n’étant plus nécessaire) et libérant les ressources judiciaires limitées dans le système judiciaire québécois. Nous croyons que, dans la mesure du possible, les tribunaux continueront de diviser les dossiers judiciaires en plusieurs parties afin de régler les difficultés entourant l’accès à la justice dans cette province.

CONCLUSION

La majorité de la jurisprudence relative à la rédaction d’une clause d’exclusion de garantie porte sur des clauses très ambiguës (telles que « vendu tel quel » et « l’acheteur est satisfait de l’état de la propriété »). Cette décision est l’une des premières qui examinent une clause d’exclusion de garantie qui, bien que n’étant pas une clause de style, est néanmoins inexplicite et peu claire pour certains lecteurs. Nous croyons que cette décision aidera à faire la lumière sur l’endroit où fixer la limite au moment de décider de la validité de l’exclusion des clauses de garantie légale.

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